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    By in Afrique share share share share share share share share share share share share share share share share share share

    C’est une habitude en train de s’installer dans le paysage numérique togolais. De plus en plus d’internautes rapportent depuis plusieurs jours des dysfonctionnements massifs sur les réseaux sociaux et certaines applications de communication. Si la connexion Internet globale n’est pas officiellement coupée, de nombreux Togolais peinent à se connecter à WhatsApp, Facebook, X (anciennement Twitter), TikTok ou encore Instagram — des plateformes pourtant devenues centrales dans la vie quotidienne et professionnelle. En coulisses, les mots se murmurent à demi-voix : filtrage, restriction ciblée, censure numérique.

    L’accès à Internet restreint au Togo
    L’accès à Internet restreint au Togo

    Sans communication officielle du gouvernement, les soupçons se cristallisent. Pour Emmanuel Sogadji, président de la Ligue des Consommateurs du Togo, la situation ne souffre d’aucune ambiguïté : « C’est un acte délibéré. Le gouvernement a restreint volontairement l’usage des réseaux sociaux. Il s’agit d’une atteinte grave à la liberté d’expression, mais aussi à la vie économique des consommateurs togolais. »

    Un Internet sous surveillance, à géométrie variable

    Le constat est partagé par plusieurs organisations de la société civile et des acteurs de l’écosystème numérique. À l’instar de l’Internet Society Togo, qui suit de près ces épisodes répétés d’instabilité digitale. Son président, Emmanuel Vitus Agbenowossi, évoque des perturbations anormales et récurrentes, sans origine technique apparente.

    « Ce ne sont pas des pannes accidentelles, mais bien des blocages ciblés de certaines applications. Dans un contexte de fortes mobilisations citoyennes, cela soulève des questions fondamentales sur la gouvernance du réseau Internet au Togo et sur la transparence des décisions prises en la matière », déclare-t-il, en appelant à une vigilance collective.

    Ces derniers jours, alors que la tension est montée d’un cran dans le pays, suite aux contestations nées du nouveau redécoupage électoral et des revendications sociales, le réseau est devenu capricieux. Certains utilisateurs sont dans l’impossibilité de se connecter à leurs applications favorites sans passer par des VPN (réseaux privés virtuels), désormais monnaie courante dans les cercles connectés du pays.

    Impact économique : des milliers de petits métiers touchés

    Au-delà des considérations politiques et des droits fondamentaux, la restriction de l’accès aux réseaux sociaux affecte directement l’économie locale. Nombre de jeunes entrepreneurs, de commerçants informels, d’artistes et de créateurs de contenus dépendent aujourd’hui de ces canaux numériques pour promouvoir leurs produits, interagir avec leur clientèle ou même vendre.

    « Ce n’est pas seulement un problème de liberté, c’est aussi une question de survie économique », insiste Emmanuel Sogadji. « Quand une couturière ne peut plus poster ses modèles, quand un livreur ne peut plus être contacté par WhatsApp, ce sont des revenus qui s’effondrent. Le gouvernement doit comprendre que le numérique est aujourd’hui le socle de nombreuses activités. »

    Selon une estimation sommaire de la Ligue des Consommateurs, près de 40 % des très petites entreprises (TPE) du secteur informel utilisent exclusivement les plateformes sociales pour leur communication commerciale. Leur paralysie a donc des conséquences immédiates sur le tissu socio-économique.

    Un mal récurrent : la mémoire des coupures passées

    Ce n’est pas la première fois que le Togo est confronté à des restrictions numériques à caractère politique. En 2017, alors que l’opposition appelait à des manifestations contre la réforme constitutionnelle permettant à Faure Gnassingbé de briguer un nouveau mandat, l’accès à Internet avait été coupé pendant plusieurs jours dans le pays. À l’époque, la manœuvre avait suscité un tollé national et international.

    En 2020, la Cour de Justice de la CEDEAO a statué sur cette affaire, estimant que cette coupure constituait une violation des droits humains, notamment celui de la liberté d’expression. Elle avait condamné l’État togolais à verser des réparations et à prendre les mesures nécessaires pour éviter de telles atteintes à l’avenir.

    Mais en dépit de cette condamnation, les pratiques n’ont pas fondamentalement changé. Le gouvernement semble continuer d’invoquer — sans jamais le déclarer publiquement — des raisons de « sécurité nationale » pour justifier des actions que de nombreux citoyens perçoivent comme un verrouillage informationnel, destiné à étouffer les mobilisations sociales.

    La société civile s’organise, les citoyens contournent

    Face au silence des autorités, la société civile tente de combler le vide. L’Internet Society Togo multiplie les initiatives d’information et de sensibilisation à l’usage des VPN, qui permettent de contourner les blocages et de restaurer une forme d’accès aux services en ligne.

    « Nous aidons les citoyens à reprendre le contrôle sur leur accès au numérique. Mais cette solution ne doit pas devenir la norme. Ce n’est pas au peuple de contourner des obstacles qu’il ne devrait pas rencontrer », précise Emmanuel Vitus.

    En parallèle, des coalitions régionales et internationales comme Kipiton, qui militent pour un Internet libre et accessible, ont été sollicitées pour renforcer le plaidoyer en faveur de la liberté numérique au Togo. Elles dénoncent ce qu’elles appellent une forme insidieuse de répression numérique, souvent invisible mais profondément corrosive pour la démocratie.

    Un silence gouvernemental assourdissant

    Sollicité à plusieurs reprises, le gouvernement togolais n’a fourni aucune explication officielle. Aucun communiqué, ni du ministère de l’Économie numérique, ni de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), n’a été publié. Cette opacité alimente davantage les soupçons.

    L’opposition, qui reste elle aussi sous surveillance étroite, dénonce une stratégie de musellement, à la fois physique et digital. « Ils veulent contrôler la rue et contrôler les mots », a confié un cadre du parti Les Démocrates sous couvert d’anonymat. Pour les observateurs, la situation au Togo illustre un phénomène plus large, où les régimes autoritaires d’Afrique s’adaptent aux nouvelles formes de mobilisation en ligne.

    L’enjeu : préserver l’espace numérique comme espace public

    Au-delà de l’urgence contextuelle, les défenseurs des libertés numériques tirent la sonnette d’alarme : l’espace numérique est en train de devenir un champ de bataille, entre les peuples qui y voient un lieu d’expression, et les pouvoirs qui y perçoivent une menace à leur hégémonie.

    Le cas togolais est révélateur d’un basculement progressif, où la censure ne se manifeste plus par des interdictions visibles, mais par des perturbations ciblées, silencieuses, parfois niées. Une censure 2.0, sophistiquée, d’autant plus redoutable qu’elle avance masquée.

    Conclusion : le droit à la connexion, une urgence démocratique

    Alors que les Togolais continuent de jongler entre VPN, applications alternatives et zones de réseau instable, une question cruciale persiste : peut-on encore exercer ses droits civiques à l’ère numérique quand l’accès même au réseau devient un privilège sous contrôle ?

    Pour Emmanuel Sogadji, la réponse est claire : « Il est temps de rappeler que l’accès à Internet est un droit fondamental. Il doit être protégé comme tel. Nous ne pouvons pas accepter une restriction permanente, déguisée, qui pénalise toute une population au prétexte de sécuriser un régime. »

    Le combat pour un Internet libre, sécurisé et accessible ne fait que commencer. Mais il sera, à n’en point douter, un marqueur déterminant des luttes démocratiques de demain — au Togo comme ailleurs.

    Saidicus Leberger
    Pour Radio Tankonnon

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