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  • Alpha Blondy ou l’éloge du travail comme revanche sur la pauvreté

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    Quand l’icône du reggae ivoirien transforme chaque note en acte de résistance, et chaque journée de labeur en victoire sur l’ombre du chômage.

    Alpha Blondy
    Alpha Blondy

    Abidjan, quelque part entre la poussière rouge des souvenirs et les cieux ouverts de la notoriété, Alpha Blondy travaille. Inlassablement. Inarrêtablement. Comme un ouvrier dans l’atelier de Dieu, le chanteur aux dreadlocks gris, à la voix reconnaissable entre mille, n’a pas déserté son poste. Et lorsque certains, inquiets ou simplement bienveillants, l’exhortent à lever le pied, à s’accorder le droit à la paresse ou aux douceurs des plages tranquilles, la réponse fuse, tranchante et lumineuse : « Un pauvre n’a pas le droit de se reposer. »

    Ce n’est pas une boutade. Ce n’est pas une provocation. C’est une philosophie. Une manière d’être au monde. Une manière de dire que le travail, dans son sens le plus profond et le plus existentiel, est devenu pour Alpha Blondy une forme de réparation, de revanche, de reconquête sur la vie. Une dette envers son passé. Un chant d’amour envers les pauvres, les oubliés, les chômeurs de longue durée, ceux pour qui chaque matin est un combat contre l’inertie, l’ennui, la résignation.

    Alpha Blondy
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    Le labeur comme dignité retrouvée

    Né Seydou Koné en 1953 à Dimbokro, élevé à Adjamé puis formé aux États-Unis, Alpha Blondy n’a jamais renié ses origines modestes. Derrière le mythe, il y a l’homme. Derrière la star planétaire, il y a l’ancien sans-emploi. Derrière la scène, il y a l’ombre d’années longues comme des prières muettes, passées à attendre qu’enfin, quelque chose advienne.

    C’est là que se situe la racine de sa parole : « Quand tu as eu du travail après 25 ans de chômage, tu n’as plus besoin de vacances. » Ce n’est pas un slogan. C’est une vérité vécue. Une gifle adressée au confort intellectuel de ceux qui pensent que tout artiste célèbre est un nanti perpétuellement en villégiature. C’est aussi une dénonciation implicite des sociétés modernes qui, dans leur obsession du repos et de la performance alternée, oublient que pour des millions d’individus, le repos n’est pas un choix mais une condamnation silencieuse à l’inutilité.

    Alpha Blondy travaille donc. Non pas parce qu’il y est contraint, mais parce qu’il y est appelé. Comme un devoir sacré. Comme une prière chantée. Comme une offrande à tous les autres Alpha qui n’ont pas eu sa chance. Il n’y a pas, dans cette frénésie de l’activité, une quelconque névrose. Il y a, au contraire, une conscience aiguë de ce que signifie « être utile » dans un monde qui trop souvent vous rejette dès que vous ne produisez plus.

    Le droit au repos, un luxe de riches ?
    La phrase de Blondy est brutale : « Un pauvre n’a pas le droit de se reposer. » D’aucuns y verront une provocation populiste. Mais elle soulève une question sociopolitique essentielle. Le droit au repos est-il également réparti ? La fatigue est-elle un privilège ? Qui a réellement le loisir de « décrocher », de « souffler », quand les fins de mois se jouent dès la première semaine, quand le corps est la seule richesse qu’on puisse louer à la journée ?

    La réponse est claire : dans nos sociétés à double vitesse, le repos est un droit pour certains, une illusion pour d’autres. Le travail de Blondy n’est donc pas une addiction. C’est un acte politique. C’est l’expression d’une vérité universelle : quand on a connu la galère, l’absence de but, la vacuité des jours sans perspectives, chaque tâche accomplie devient un festin de dignité.

    Alpha Blondy
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    La mémoire du vide

    Ce qui hante Blondy, ce n’est pas la fatigue. C’est l’inaction imposée, l’humiliation lente et silencieuse du chômeur de longue durée. Dans ses propos, c’est toute une mémoire collective qui ressurgit : celle des exclus, des recalés du miracle économique, des laissés-pour-compte du développement. En disant « non » aux vacances, Alpha dit surtout « non » à l’oubli. Il travaille pour ne jamais redevenir invisible.

    Le chômage n’est pas, dans sa bouche, une simple statistique. C’est une expérience sensorielle. C’est l’attente interminable dans des couloirs administratifs. C’est le regard fuyant des proches. C’est l’identité qui se fissure sous le poids de l’inutilité sociale. C’est l’impossibilité de se projeter, d’aimer, de rêver. Et c’est précisément contre cette prison de silence que le chanteur a bâti son œuvre.

    Alpha Blondy
    Alpha Blondy

    Travailler, c’est résister

    Chez Alpha Blondy, le travail n’est pas seulement une source de revenu. C’est un acte de résistance. Contre l’effacement. Contre le fatalisme. Contre l’idée que l’artiste doit se contenter d’exister entre deux tournées. Il y a, dans sa manière de s’investir dans ses projets — que ce soit en studio, sur scène, dans ses engagements humanitaires ou politiques — une volonté farouche de faire du labeur un cri de vie.

    Et ce cri résonne dans une Afrique où le chômage des jeunes est devenu un fléau silencieux. Où les diplômes ne garantissent plus l’emploi. Où l’économie informelle devient l’unique refuge. Là encore, les mots de Blondy prennent une résonance quasi-prophétique. Il nous dit : « Le travail est un luxe que l’on doit mériter. » Non par la naissance ou l’héritage, mais par la persévérance, le refus de l’abandon, la foi en soi-même.

    Alpha Blondy
    Alpha Blondy

    Et pourtant, il chante encore

    Ce qui frappe, c’est que malgré l’âge, malgré les succès, malgré les honneurs, Alpha Blondy continue. Avec la même ferveur. Le même sérieux. Le même feu intérieur. Il n’est pas de ceux qui se reposent sur leurs lauriers. Il ne cède pas à la tentation de la tranquillité dorée. Il chante. Il écrit. Il parle. Il transmet. Comme si chaque jour pouvait être le dernier, et qu’il fallait, dans l’urgence, offrir au monde ce qu’on a de meilleur.

    Derrière cette opiniâtreté se cache une vision du monde profondément spirituelle. Le travail, chez Blondy, a quelque chose du sacré. Il est prière. Il est offrande. Il est don de soi. Et il est, surtout, le rempart ultime contre l’oubli.

    Alpha Blondy
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    Conclusion : Une leçon d’humilité

    En disant qu’il ne veut pas se reposer, Alpha Blondy ne rejette pas le repos en tant que tel. Il nous met en garde contre l’oubli des luttes anciennes. Il nous rappelle, avec une tendresse brute, que pour des millions d’Africains, le travail n’est pas une malédiction, mais une victoire. Une terre conquise de haute lutte. Une dignité reconquise au prix du temps, des échecs, des blessures.

    Alors oui, Alpha Blondy travaille trop. Mais peut-on reprocher à un miraculé de vouloir prolonger sa résurrection ? Peut-on demander à un rescapé de retourner à la torpeur ? Peut-on blâmer un pauvre devenu debout de vouloir rester éveillé, actif, vigilant ?

    Non. Il faut l’écouter. Et surtout, comprendre que derrière chaque note, chaque mot, chaque sueur, se cache une invitation : celle de ne jamais cesser de se battre pour exister. Dignement.

    « Le repos viendra peut-être après la mort. Mais aujourd’hui, je suis vivant. Alors je travaille. » — Alpha Blondy

    Par Saidicus Leberger

    Pour Radio Tankonnon 

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