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  • Quand la vérité chancelle dans le Bureau ovale : le mythe du génocide des fermiers blancs en Afrique du Sud relancé par Donald Trump

    By in Afrique share share share share share share share share share share share share share share share share share share

    La diplomatie internationale est, dit-on, un art délicat où chaque mot est pesé, chaque image est calibrée, chaque geste scruté. Il en va de la stabilité du monde et de la cohérence des récits entre les nations. Pourtant, vendredi dernier, une séquence à la fois déroutante et révélatrice a semé le trouble jusque dans les fondations de cette diplomatie déjà fragile. Lors d’une réunion officielle tenue dans le Bureau ovale, Donald Trump, ancien président des États-Unis, a ravivé une controverse à la fois ancienne et douloureuse : celle du prétendu « génocide » des fermiers blancs en Afrique du Sud.

    Le président Trump rencontre le président Ramaphosa d'Afrique du Sud
    Le président Trump rencontre le président Ramaphosa d’Afrique du Sud

    Une vidéo, des croix blanches, et une fausse narration

    Devant un Cyril Ramaphosa impassible et visiblement accoutumé aux débordements médiatiques, Donald Trump a projeté un court extrait vidéo. On y voyait, le long d’une route sud-africaine, une série de croix blanches plantées dans le sol, alignées avec une sobriété glaçante. Ces images, dramatisées par une bande-son lacrymale, furent présentées par l’ancien président américain comme « la preuve accablante d’un génocide oublié, d’une épuration ethnique que personne ne veut nommer« .

    Pourtant, les faits sont têtus, et le réel bien plus nuancé que la fiction idéologique. Ces croix, comme l’a rappelé avec fermeté le ministre sud-africain de la police, Senzo Mchunu, n’étaient ni des marqueurs de tombes ni des signes d’un massacre organisé. Il s’agissait d’un mémorial temporaire érigé en 2020 par une communauté endeuillée, à l’occasion d’une procession funéraire tenue pour un couple de fermiers blancs, brutalement tué lors d’un cambriolage dans la province du Free State.

    « Il est tragique que de telles morts, certes atroces et condamnables, soient instrumentalisées pour alimenter une narration fantasmée de génocide« , a déclaré Mchunu à la presse sud-africaine, ajoutant que « ces croix n’ont jamais été conçues comme les preuves d’une extermination planifiée, mais comme un cri de douleur d’une partie de la nation« .

    Une allégation ancienne, sans fondement empirique

    L’idée selon laquelle l’Afrique du Sud serait le théâtre d’un génocide contre les fermiers blancs n’est pas nouvelle. Elle émerge régulièrement, en particulier dans certaines sphères ultraconservatrices occidentales, comme une obsession nourrie d’images apocalyptiques et de rhétoriques identitaires. Déjà en 2018, alors qu’il était encore président, Donald Trump avait demandé à son administration de « surveiller de près les expropriations et les meurtres de fermiers blancs », déclenchant une vague d’indignation à Pretoria.

    Pourtant, toutes les données disponibles démentent cette version des faits. Les statistiques du South African Police Service (SAPS) démontrent que les meurtres de fermiers, bien qu’en effet préoccupants, sont commis dans un contexte de criminalité généralisée qui affecte toutes les communautés. Selon le rapport annuel du SAPS, les victimes de meurtres dans les zones rurales sont majoritairement noires, et les agressions dans les exploitations agricoles touchent des fermiers de toutes origines.

    Le génocide, en droit international, implique une volonté planifiée d’extermination d’un groupe en raison de son appartenance ethnique ou raciale. Rien, absolument rien, ne permet d’affirmer qu’une telle entreprise est en cours en Afrique du Sud. Aucun plan de l’État, aucune politique publique, aucune campagne organisée ne corrobore les affirmations sensationnalistes relayées par Donald Trump et certains médias populistes.

    Une diplomatie en équilibre fragile

    La réaction du gouvernement sud-africain n’a pas tardé. À la sortie de la rencontre, le ministre de la police a tenu une conférence de presse d’une rare gravité : « Nous avons du respect pour le peuple des États-Unis et pour ses institutions. Nous avons même du respect pour le président Trump, en tant qu’ancien chef d’État. Mais nous n’avons aucun respect pour cette rhétorique falsifiée, dangereuse et moralement condamnable qu’il appelle ‘histoire de génocide’« .

    Cette déclaration, mesurée dans la forme mais tranchante dans le fond, traduit le malaise profond suscité par la récurrence de cette propagande. Elle témoigne aussi d’une volonté politique de ne plus laisser de tels propos circuler sans réponse officielle.

    Car au-delà des mots, ce sont des vies, des équilibres communautaires et une démocratie encore jeune qui sont mis en péril. La diffusion de cette fausse narration alimente les tensions raciales en Afrique du Sud, fragilise les efforts de réconciliation entamés depuis la fin de l’apartheid, et donne du crédit à des groupes extrémistes qui rêvent encore d’un retour en arrière.

    Une fiction dangereuse, aux résonances planétaires

    L’épisode de la Maison-Blanche s’inscrit dans une dynamique plus large de désinformation géopolitique. Le recours à des récits victimaires, souvent biaisés ou tronqués, permet à certains dirigeants ou ex-dirigeants de légitimer des positions idéologiques radicales sous couvert de défense des « oubliés de l’histoire ». La rhétorique trumpienne sur les fermiers blancs en Afrique du Sud entre ainsi en résonance avec d’autres narrations paranoïaques sur le « grand remplacement« , le « déclin des civilisations occidentales » ou la « menace migratoire« .

    Ces discours ont un objectif commun : attiser la peur, renforcer l’identitarisme, opposer les peuples entre eux. Et ce, souvent à des fins électoralistes, quand ce n’est pas simplement pour nourrir un culte personnel de la transgression.

    En Afrique du Sud, le danger est tangible. Des mouvements radicaux comme Afriforum ou Suidlanders utilisent ces images et ces discours pour prôner l’armement des fermiers, la séparation raciale, voire l’émigration massive des Blancs vers l’Australie ou les États-Unis. Le danger n’est donc pas dans une extermination imaginaire, mais bien dans la désintégration possible du pacte national.

    La responsabilité des puissants
    Il est légitime de condamner la violence rurale, de pleurer les morts, de renforcer la sécurité des fermiers – qu’ils soient blancs ou noirs. Il est même nécessaire d’ouvrir un débat rigoureux sur les politiques agraires, l’insécurité et les fractures socio-économiques. Mais il est immoral, irresponsable et politiquement explosif de transformer des tragédies isolées en argument d’une idéologie raciale.

    Les propos de Donald Trump ne sont pas un simple dérapage. Ils participent d’une stratégie de communication fondée sur la peur et la division, aux antipodes des valeurs de vérité, de justice et de cohésion que devrait incarner tout ancien président.

    Si l’Afrique du Sud, malgré ses défis, demeure une démocratie vivante, elle ne doit rien au hasard. Elle le doit à la ténacité d’un peuple qui a refusé la haine, au prix du sang et des larmes. La moindre des choses, pour ceux qui prétendent parler au nom de la liberté, serait de respecter cette histoire.

    En ce sens, la fausse narration du génocide des fermiers blancs n’est pas seulement une erreur factuelle. C’est une trahison morale.

    Saidicus Leberger
    Pour Radio Tankonnon 

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