La nationalisation des mines au Burkina Faso : vers une souveraineté économique assumée
Dans une déclaration à forte résonance politique et géoéconomique, le Premier ministre burkinabè, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, a réaffirmé, ce jeudi, la volonté ferme de l’État burkinabè de poursuivre et intensifier la politique de nationalisation des ressources minières du pays. Cette annonce, faite à l’issue d’une séance de travail stratégique à Ouagadougou avec les principaux acteurs du secteur extractif, vient confirmer une orientation déjà amorcée depuis plusieurs mois par les autorités de la Transition, sous la houlette du capitaine Ibrahim Traoré.

Une stratégie claire : faire des mines un levier de souveraineté
Le chef du gouvernement burkinabè n’a laissé place à aucune équivoque :
« La politique de nationalisation engagée par le gouvernement va se poursuivre, s’amplifier et se structurer. Tout est mis en œuvre pour que toutes les exploitations minières du Burkina Faso profitent avant tout au peuple burkinabè. »
Par ces mots, Rimtalba Ouédraogo ancre sa vision dans une logique de reconquête des ressources nationales, portée par une dynamique de rupture historique avec les paradigmes néocoloniaux de l’exploitation étrangère des richesses africaines. À travers cette déclaration solennelle, le Burkina Faso envoie un signal fort aux compagnies multinationales, mais aussi à ses partenaires institutionnels et à l’opinion publique.
Depuis la prise du pouvoir par le capitaine Traoré en septembre 2022, le pays s’est engagé sur la voie d’un redressement souverainiste, fondé sur la refondation de l’État, la sécurisation du territoire, et la réappropriation des leviers économiques, au premier rang desquels l’industrie minière.
Le sous-sol burkinabè : un trésor longtemps bradé
Riche en or, zinc, manganèse et autres ressources stratégiques, le Burkina Faso s’est imposé au cours des deux dernières décennies comme l’un des principaux producteurs d’or d’Afrique de l’Ouest, avec une production annuelle dépassant les 70 tonnes d’or en 2023 selon les chiffres officiels.
Mais malgré cette abondance aurifère, les retombées pour l’économie nationale et les populations locales sont restées très en deçà des attentes, en raison de contrats léonins signés avec des sociétés étrangères, principalement canadiennes, britanniques, australiennes et sud-africaines, dans un cadre fiscal souvent favorable aux investisseurs, mais désavantageux pour l’État.
Selon plusieurs rapports indépendants, moins de 15 % de la valeur brute extraite revenait effectivement au budget national, le reste étant évacué sous forme de dividendes, de redevances, ou de montages financiers complexes, souvent via des paradis fiscaux. Une situation dénoncée par de nombreuses voix citoyennes et syndicales, à l’instar du Mouvement burkinabè pour la justice minière.
La nouvelle doctrine minière : priorité au peuple
C’est dans ce contexte de frustration sociale et d’aspiration à la souveraineté que la Transition burkinabè a entrepris une refonte en profondeur du cadre juridique, fiscal et opérationnel des activités minières. Plusieurs mesures emblématiques ont déjà été adoptées :
- La nationalisation partielle de certaines mines stratégiques, dont celles de Yalgo, Inata et Toega ;
- La création d’une Société nationale des mines du Burkina (SONAMIB), chargée de gérer directement les exploitations détenues par l’État ;
- La révision ou la résiliation de contrats jugés préjudiciables à la souveraineté économique ;
- L’instauration d’une clause de contenu local obligeant les sociétés minières à employer une main-d’œuvre majoritairement burkinabè et à recourir à des fournisseurs locaux.
Le Premier ministre a également souligné la volonté d’associer les populations locales aux bénéfices de l’exploitation minière, à travers des mécanismes de redistribution directe, le financement d’infrastructures sociales (écoles, centres de santé, routes), et la mise en place de fonds communautaires de développement alimentés par une partie des revenus miniers.
Entre défi sécuritaire et espoirs économiques
Ce chantier intervient dans un contexte national particulièrement tendu, marqué par la persistance de la menace terroriste et par une instabilité régionale chronique. De nombreuses zones minières sont situées dans des régions où l’État peine à maintenir sa présence, notamment dans le Nord et l’Est du pays.
Cependant, les autorités estiment que la maîtrise souveraine des ressources minières est justement l’un des leviers pour renforcer la résilience nationale, en finançant l’effort de guerre, en créant des emplois et en consolidant le tissu économique.
« C’est parce que nous croyons à la capacité de notre peuple à se relever par lui-même que nous reprenons le contrôle de nos mines. L’or du Burkina ne doit plus enrichir d’autres peuples alors que nos enfants manquent d’eau, d’électricité et de pain », a martelé le chef du gouvernement.
Une politique risquée mais assumée
La posture adoptée par Ouagadougou n’est pas sans susciter des tensions diplomatiques. Plusieurs chancelleries occidentales ont exprimé, en coulisses, leurs inquiétudes face à la remise en cause des intérêts de leurs ressortissants, et des procédures d’arbitrage international sont déjà en cours entre l’État burkinabè et certaines compagnies dépossédées de leurs concessions.
Mais pour Rimtalba Ouédraogo, le cap est clair :
« Nous ne craignons ni les pressions ni les menaces. Le peuple burkinabè a trop souffert pour continuer à être dépouillé. Notre politique est juste, légitime et conforme aux intérêts supérieurs de la Nation. »
Perspectives : vers une économie décolonisée ?
Le Burkina Faso s’inscrit ainsi dans une dynamique plus large de décolonisation économique sur le continent africain, à l’instar du Mali, du Niger, ou encore de la Guinée, qui multiplient également les initiatives pour renégocier ou nationaliser leurs ressources stratégiques.
Ce mouvement, qualifié par certains d’afro-pragmatisme économique, vise à rééquilibrer les rapports Nord-Sud et à rompre avec le cycle de dépendance et de spoliation qui a marqué l’histoire contemporaine des pays africains.
Dans ce contexte, la nationalisation des mines burkinabè apparaît non seulement comme une politique économique, mais aussi comme un acte de souveraineté, de justice sociale et de dignité nationale.
Conclusion
En reprenant le contrôle de ses sous-sols, le Burkina Faso ne se contente pas de défendre ses intérêts économiques. Il affirme une vision politique du développement, fondée sur l’autodétermination, la justice redistributive et la participation citoyenne. Le chantier est vaste, semé d’embûches, mais porteur d’espérances immenses pour un peuple en quête de renaissance.
Et comme le dit un proverbe moaga : « Quand on creuse son propre puits, on boit l’eau avec respect. »
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon