Femua 17 : Himra, nouvelle figure de proue du rap ivoire, fait sensation à l’INJS
Il est des soirs où la scène devient le théâtre d’une passation symbolique de pouvoir. À l’occasion de la 17ème édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), c’est bien Himra, le prodige de la « drill ivoire », qui a frappé un grand coup, marquant avec éclat son territoire avant le très attendu concert de Didi B le 3 mai prochain au stade Félix Houphouët-Boigny.

Ce 17 avril à l’Institut National de la Jeunesse et des Sports d’Abidjan, un vent nouveau a soufflé sur le rap ivoirien. Depuis le succès fulgurant de son titre « Jeune & Riche », sorti à la fin de l’année 2024, le public n’attendait qu’une chose : que le Chetté 1X se produise de nouveau en grande pompe sur les terres qui l’ont vu naître. Il faut dire que son dernier concert, « Concert Sauvage 2 », organisé en décembre dernier au Parc des expositions, avait laissé des traces dans les esprits.

Mais cette fois, c’est dans le cadre prestigieux du Femua – devenu une véritable institution culturelle sur le continent – que l’artiste a imposé sa cadence. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les dizaines de milliers de festivaliers, massés sur le site de l’INJS, n’ont pas été déçus.

Une prestation électrique aux allures de manifeste
Du haut de ses 23 ans, Himra a littéralement renversé la scène. Accompagné d’un dispositif scénique millimétré, l’artiste a enchaîné les titres phares de son répertoire avec une maîtrise déconcertante. De « Banger » à « Lady Gaga », en passant par l’endiablé « Yorobo Drill Acte 3 », la foule a été tenue en haleine, galvanisée par l’énergie brute et l’aisance vocale du jeune rappeur.

Sa « drill ivoire », savant alliage de rythmes londoniens et de sonorités nouchi, s’est révélée plus que jamais comme le moteur d’un nouveau souffle artistique. Dans une atmosphère survoltée, Himra s’est affirmé, sans équivoque, comme le nouveau leader d’un genre en pleine mutation.

Le Femua, une scène de consécration continentale
Mais la magie de la soirée ne s’est pas limitée à cette incandescente montée en puissance du rap ivoirien. Un peu plus tôt, c’est la divine Angélique Kidjo qui avait ouvert les festivités avec une prestation d’une rare intensité. Sublimée par une scénographie sobre et élégante, la « Mama Africa » a conquis le public abidjanais dès les premières notes.

Moment fort : son duo avec Roseline Layo, pour l’interprétation de leur nouveau titre « On sera là », a créé une véritable communion avec le public, porté par des chœurs vibrants et une émotion palpable. Un retour triomphal pour l’icône béninoise, retransmis en direct sur la RTI, dans une ferveur digne des grandes heures du Femua.

Takana Zion, l’âme du reggae africain
Dans un registre tout autre, mais tout aussi enivrant, Takana Zion, figure de proue du reggae guinéen, a offert un set d’une rigueur exemplaire. Dans la lignée des grands maîtres que sont Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, le « prophète du roots » a démontré que le reggae africain continue d’évoluer, fidèle à ses racines mais résolument tourné vers l’avenir.
Ses messages engagés, portés par une voix puissante et une mise en scène sobre, ont résonné comme un appel à la conscience collective, dans une Côte d’Ivoire toujours avide de liberté et d’unité.

Un festival de promesses et de révélations
Organisé avec maestria par A’Salfo et les membres du groupe Magic System, le Femua 17 s’est une fois de plus imposé comme un carrefour incontournable de la musique africaine contemporaine. Gratuit pour les festivaliers, le concert du 17 avril restera dans les mémoires comme un moment de grâce, où se sont entremêlées la puissance du rap, la noblesse du reggae et la majesté de la world music.
À quelques semaines du concert événement de Didi B, Himra, par son audace et sa détermination, semble avoir franchi un cap. Sans provocation, mais avec un sens aigu du tempo, il s’est posé en héritier potentiel du trône du rap ivoirien.
Le public ne s’y est pas trompé : la relève est assurée.
À suivre : le duel à distance entre Himra et Didi B promet de rythmer les prochaines semaines de la scène musicale ivoirienne. Une chose est sûre : le rap ivoire vit une de ses plus belles saisons.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon