Paris-Alger : vers un dégel diplomatique après huit mois de tensions
Alger, le 6 avril 2025 – Après plus de huit mois d’une crispation diplomatique aux allures de rupture silencieuse, la France et l’Algérie semblent amorcer une phase de réconciliation prudente mais déterminée. Le geste inaugural est venu du sommet : un entretien téléphonique entre les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, qui a ouvert la voie à une reprise du dialogue politique au plus haut niveau.

Dans le sillage de cet échange, Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, s’est envolé dimanche pour Alger pour une visite officielle de deux jours, à l’invitation expresse de son homologue algérien, Ahmed Attaf. Il s’agit là du premier déplacement diplomatique d’envergure entre les deux capitales depuis la glaciation des relations en août dernier.
Des relations mises à rude épreuve
Si les tensions entre Paris et Alger ne sont pas nouvelles, elles ont atteint une intensité particulière ces derniers mois, sur fond de désaccords récurrents et d’incidents symboliquement lourds. Parmi les points de friction, la position française sur le Sahara occidental – perçue comme ambiguë à Alger – a cristallisé les dissensions, Paris étant accusée de se rapprocher dangereusement des thèses marocaines.
Autre épisode marquant : l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal à l’aéroport international Houari-Boumédiène, en novembre dernier, alors qu’il devait participer à une conférence à Paris. Cet acte a provoqué une levée de boucliers dans les cercles intellectuels français, mais aussi une indignation officielle de la part du gouvernement français, qui y a vu une atteinte grave à la liberté d’expression.
Enfin, le mois de mars a été le théâtre d’une nouvelle déflagration, avec la remise par Paris d’une liste de ressortissants algériens en situation irrégulière en France. Jugée humiliante, cette démarche a suscité une vive réaction d’Alger, qui y a vu une instrumentalisation de la question migratoire à des fins électoralistes.
Un rapprochement mesuré mais attendu
Dans ce contexte tendu, la venue de Jean-Noël Barrot à Alger est hautement symbolique. Elle traduit la volonté des deux parties de restaurer une forme de confiance, tout en mesurant l’ampleur des blessures encore vives.
« Nous venons écouter, comprendre et proposer », a déclaré le chef de la diplomatie française à son arrivée, insistant sur la nécessité de « refonder les bases d’un partenariat exigeant mais respectueux ».
Du côté algérien, le ton se veut également apaisé mais ferme. Le ministère des Affaires étrangères a indiqué que les échanges avec Jean-Noël Barrot porteront sur la relance des mécanismes bilatéraux suspendus, la coopération économique, sécuritaire et culturelle, ainsi que sur les grands dossiers de politique régionale, notamment la stabilité au Sahel et en Méditerranée.
Vers un nouveau pacte franco-algérien ?
Au-delà des crispations passées, cette tentative de dégel s’inscrit dans une réflexion plus large sur les relations entre l’Europe et le Maghreb. Paris, consciente de la centralité géostratégique de l’Algérie, cherche à éviter un basculement durable d’Alger vers d’autres partenaires plus offensifs diplomatiquement, comme la Chine, la Russie ou la Turquie.
Dans les coulisses, plusieurs sources diplomatiques laissent entendre que cette visite pourrait préparer le terrain à une rencontre officielle entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune dans les semaines à venir, peut-être en marge d’un sommet international à venir.
Si les contentieux demeurent nombreux, la reprise du dialogue constitue une étape incontournable vers un nouvel équilibre, où les sensibilités mémorielles et les réalités géopolitiques devront être conjuguées avec intelligence et respect mutuel.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon