Entre frictions et espoirs : La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se préparent à des patrouilles mixtes pour sécuriser leurs frontières
Abidjan – 18 février 2025 – Dans un climat où les relations bilatérales entre Ouagadougou et Abidjan se trouvent fragilisées par l’arrivée au pouvoir des militaires au Burkina Faso, la Côte d’Ivoire fait montre d’une volonté déterminée de renforcer la coopération militaire avec son voisin. Cette ambition, illustrée par l’appel lancé mardi par le ministre ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara, se matérialise dans le souhait de mettre en place des patrouilles mixtes, une initiative qui vise à sécuriser les frontières communes et à lutter efficacement contre le terrorisme.

Un contexte géopolitique sensible et complexe
Depuis l’instauration du régime militaire à Ouagadougou, les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ne sont plus au beau fixe. L’instabilité politique dans l’hexagone ouest-africain, conjuguée aux défis sécuritaires et aux menaces transfrontalières, a accru la méfiance entre les deux nations. Toutefois, malgré ces tensions, la Côte d’Ivoire, consciente des enjeux de la sécurité régionale, continue de promouvoir une approche collaborative. Le ministre Téné Birahima Ouattara a ainsi exprimé avec fermeté l’intérêt stratégique de son pays pour une coopération militaire renforcée, allant jusqu’à envisager la constitution de patrouilles mixtes sur la frontière commune.
L’appel à une coopération rapprochée
Dans une déclaration empreinte de pragmatisme et d’optimisme, le ministre Ouattara a rappelé que l’idée de patrouilles conjointes n’est pas nouvelle pour la Côte d’Ivoire. « On l’a toujours souhaité. La partie burkinabé nous avait donné des assurances dans ce sens, mais pour le moment, ce n’est pas effectif », a-t-il affirmé. Selon lui, la mise en place de ces patrouilles permettrait à la Côte d’Ivoire de « nettoyer le Nord ivoirien » tout en aidant le Burkina Faso à sécuriser son Sud, démontrant ainsi l’intérêt mutuel d’une telle initiative.
Pour le ministre, la nécessité de travailler de concert sur la sécurisation des frontières est indissociable des défis sécuritaires communs, notamment la menace terroriste qui plane sur l’ensemble de la sous-région. Les patrouilles mixtes, en tant qu’outil de coopération opérationnelle, pourraient jouer un rôle crucial dans la prévention des incursions et la lutte contre les réseaux terroristes, tout en renforçant la souveraineté territoriale des deux pays.
Un passé commun et des liens historiques inaltérables
Au-delà des enjeux stratégiques, le ministre de la Défense ivoirien a souligné les liens historiques et culturels profonds qui unissent la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. « Nous avons des populations de part et d’autre qui parlent la même langue. C’est un certain nombre de choses qui font que la Côte d’Ivoire ne peut pas se fâcher avec le Burkina, et vice-versa », a-t-il déclaré. Ces liens ancestraux, forgés au fil des siècles par des échanges humains, commerciaux et culturels, constituent un socle sur lequel s’appuie la confiance réciproque, malgré les malentendus qui peuvent parfois surgir.
L’évocation de ces affinités culturelles réaffirme l’idée que, même dans un climat de tensions politiques, la solidarité populaire et les traditions communes demeurent des éléments indéfectibles. Les populations transfrontalières, partageant coutumes, langues et modes de vie similaires, témoignent d’une intégration régionale qui dépasse les divergences politiques momentanées.
Une coopération en pause et l’espoir d’une relance opérationnelle
Le dernier exercice militaire conjoint entre les troupes ivoiriennes et burkinabè remonte à 2021, une opération qui, malgré son efficacité, n’a pas suffi à établir un schéma de collaboration durable. « Depuis donc, nous n’avons pas encore pu mener d’opération ensemble », a déploré le ministre Ouattara, tout en se montrant optimiste quant à la concrétisation imminente de l’initiative des patrouilles mixtes. Ce constat met en lumière un retard regrettable dans la mise en œuvre de projets de coopération, qui pourtant bénéficieraient à la sécurité et à la stabilité de la région.
Pour les responsables ivoiriens, le temps est venu de surmonter les obstacles qui freinent la coordination avec le Burkina Faso. Ils appellent à une reprise des échanges bilatéraux et à la levée des blocages institutionnels, afin que les promesses d’assurances données par la partie burkinabè se matérialisent concrètement sur le terrain. La relance de discussions sur la délimitation des frontières vient également témoigner de la volonté commune d’harmoniser les politiques de sécurité et de mieux coordonner les interventions transfrontalières.
Les enjeux stratégiques de la sécurisation des frontières
La sécurisation des frontières est aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour la sous-région ouest-africaine. Dans un contexte où le terrorisme et la criminalité transfrontalière se font de plus en plus sophistiqués, la coopération entre les forces armées des pays voisins devient indispensable. Les patrouilles mixtes, en permettant un échange direct d’informations et une coordination opérationnelle, pourraient contribuer à une meilleure maîtrise des zones sensibles. Cette approche contribuerait également à renforcer la confiance mutuelle et à instaurer un climat de coopération constructive.
Le ministre de la Défense ivoirien a ainsi évoqué le potentiel de ces patrouilles conjointes pour « régler un problème » récurrent, à savoir la sécurisation des zones frontalières qui demeurent vulnérables face aux infiltrations terroristes. Une initiative qui, si elle était mise en œuvre de manière effective, constituerait un exemple de coopération régionale renforcée, capable de faire face aux défis sécuritaires du XXIe siècle.
Perspectives d’avenir et défis à surmonter
La reprise des discussions entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso concernant la délimitation des frontières offre un horizon prometteur pour une coopération renouvelée. Pourtant, plusieurs défis demeurent : la méfiance engendrée par les récents bouleversements politiques au Burkina Faso, la nécessité de rétablir des canaux de communication efficaces entre les autorités militaires et la mise en place d’un cadre opérationnel adapté à la complexité des enjeux sécuritaires.
Les responsables ivoiriens, tout en se déclarant confiants dans la capacité de leurs homologues burkinabè à surmonter ces obstacles, insistent sur l’urgence d’agir. Une coopération militaire renforcée et la mise en place de patrouilles mixtes pourraient, en effet, servir de catalyseur pour une meilleure intégration sécuritaire dans la région, tout en consolidant les liens historiques et culturels entre les deux nations.
Conclusion : Un équilibre délicat entre tensions et coopération
Face à des défis sécuritaires grandissants et à des relations bilatérales momentanément tendues, la perspective de patrouilles mixtes entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se présente comme une lueur d’espoir pour l’avenir. L’initiative, portée par le ministre Téné Birahima Ouattara, témoigne d’une volonté de dépasser les divergences politiques pour instaurer une collaboration stratégique en matière de défense et de sécurité.
En réaffirmant les liens historiques et culturels qui unissent les deux pays, et en soulignant l’importance d’une approche commune pour lutter contre le terrorisme, les autorités ivoiriennes et burkinabè posent les jalons d’une coopération qui pourrait transformer les relations bilatérales et renforcer la stabilité régionale. Si la concrétisation de ces patrouilles mixtes s’avère effective, elles pourraient non seulement sécuriser les frontières, mais aussi servir de modèle de coopération pour l’ensemble de la sous-région ouest-africaine, où les défis de la sécurité demeurent parmi les plus pressants du continent.
Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se trouvent à un tournant décisif, où l’alliance entre souveraineté et coopération militaire pourrait bien écrire une nouvelle page de leur histoire commune, au bénéfice d’une paix durable et d’une sécurité renforcée pour leurs populations respectives.
Saidicus Lenberger
Pour Radio Tankonnon