Abéché, le 11 janvier 2025 – Dans une atmosphère chargée de symbolisme et de solennité, la ville d’Abéché se prépare à vivre une étape décisive dans la redéfinition des relations militaires entre le Tchad et la France. La cérémonie officielle de remise des clés de la base militaire française au gouvernement tchadien marquera un épisode clé dans la transition politique et stratégique amorcée par N’Djamena depuis l’annonce fracassante, en novembre dernier, de la rupture des accords de coopération militaire.

Depuis plusieurs jours, la base d’Abéché, située à plus de 800 kilomètres à l’est de la capitale tchadienne, voit s’intensifier les activités logistiques visant à démanteler et à évacuer le matériel militaire français. Des colonnes de véhicules transportant des équipements stratégiques, accompagnées de conteneurs de ravitaillement et de structures modulaires d’habitation, quittent progressivement les lieux sous la supervision des officiers de l’armée française. « Cette opération de désengagement se déroule selon un calendrier précis et maitrisé, témoignant de l’esprit de coopération qui demeure entre les deux nations malgré les différends diplomatiques », a déclaré une source militaire.

Le contexte d’une rupture diplomatique

Cette cérémonie de rétrocession intervient après une série d’événements qui ont bouleversé les rapports bilatéraux entre Paris et N’Djamena. En novembre 2024, le gouvernement tchadien annonçait officiellement la fin des accords de coopération militaire signés avec la France, invoquant une volonté de renforcer sa souveraineté nationale face à des ingérences jugées inacceptables.

Depuis lors, deux bases militaires stratégiques ont été remises aux autorités tchadiennes : la base d’Adji Kosseï, à proximité de N’Djamena, le 11 décembre, et celle de Faya-Largeau le 26 décembre. Cette démarche traduit une dynamique de repositionnement des forces armées tchadiennes dans la gestion de leur propre sécurité, tout en soulignant l’importance accordée à la souveraineté et à l’indépendance stratégique.

Une cérémonie sous haute surveillance

Pour préparer cette remise officielle, le ministre tchadien des Armées, Issakha Malloua Djamous, est arrivé à Abéché la veille, accompagné d’une délégation comprenant des représentants du gouvernement et de hauts responsables militaires. La cérémonie, prévue pour cet après-midi, se déroulera sous une forte présence sécuritaire afin d’assurer le bon déroulement des événements.

Les habitants d’Abéché, témoins directs de cette page historique qui se tourne, expriment des sentiments mitigés entre fierté nationale et inquiétude quant à la gestion future de la sécurité dans une région confrontée à des défis multiples, notamment la menace des groupes armés transfrontaliers. « Nous sommes heureux de reprendre le contrôle de notre territoire, mais il faut que le gouvernement veille à combler rapidement le vide opérationnel laissé par les forces françaises », confie Mahamat, un commerçant local.

Une transition sous surveillance internationale

Alors que le Tchad amorce cette phase de transition, les observateurs internationaux restent attentifs à l’évolution de la situation. La France, tout en respectant la volonté souveraine du Tchad, a exprimé son souci de maintenir une coopération en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

Le ministère français des Armées a publié un communiqué réaffirmant son engagement à soutenir les efforts de stabilisation et de sécurité au Sahel à travers des partenariats bilatéraux adaptés et des initiatives multilatérales, notamment dans le cadre de la coopération avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Les défis à venir

Le gouvernement tchadien est déterminé à assurer une continuité opérationnelle immédiate sur les bases récupérées. Des discussions sont en cours pour renforcer les capacités logistiques et humaines des forces armées tchadiennes afin de prévenir tout vide sécuritaire.

« La récupération de ces infrastructures constitue une opportunité de repenser nos stratégies de défense et d’autonomiser nos forces », a déclaré Issakha Malloua Djamous. La communauté internationale sera sans doute attentive à l’évolution de cette nouvelle  ère de souveraineté tchadienne.

Saidicus Leberger

Pour Radio Tankonnon