La Cemac face à des défis économiques majeurs : un sommet décisif à Yaoundé
Ce lundi 16 décembre 2024, le sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) se déroule à Yaoundé, la capitale du Cameroun, en présence des six chefs d’État des pays membres et d’une délégation de haut niveau du Fonds monétaire international (FMI). Ce sommet se tient dans un contexte de tensions économiques croissantes et de préoccupations sur la stabilité financière de la région. Les signaux d’alerte se multiplient, et la Cemac se trouve confrontée à des défis majeurs en matière de gestion budgétaire, de dette publique et de réserves de change, des questions qui seront au cœur des discussions.

Les pays membres de la Cemac, bien que liés par une monnaie commune, le franc CFA, font face à des situations économiques extrêmement délicates. Ce sommet, qui aurait dû initialement se tenir à Bangui, capitale de la République centrafricaine, se tiendra finalement à Yaoundé à la demande du président centrafricain Faustin Archange Touadera, président en exercice de la Cemac. Le Cameroun, hôte de la rencontre, accueille donc cette réunion cruciale à un moment où la région est plongée dans une grave crise financière et économique.
La gestion de la dette publique : un défi majeur pour la Cemac
L’un des enjeux primordiaux de ce sommet réside dans la gestion de la dette publique des États membres.
La Cemac a constaté avec inquiétude l’aggravation de cette dette dans plusieurs pays, notamment au Congo, où les ratios de la dette publique frôlent les 100 % du PIB. Le pays, autrefois fleuron économique de la région, fait face à une crise financière sévère, avec des retards de paiement fréquents et des arriérés internes importants.
Le Congo, dans cette situation difficile, a été contraint de rééchelonner ses remboursements, une mesure qui témoigne de l’incapacité du pays à honorer ses engagements financiers dans les délais impartis.
Le spécialiste de la Cemac, Cédric Jiongo, souligne que cette gestion de la dette est devenue un véritable casse-tête pour les autorités congolaises. « En clair : le pays a du mal à gérer son endettement actuel », indique-t-il, illustrant ainsi l’ampleur du problème.
Cette situation est loin d’être isolée. Au Gabon, la situation n’est pas plus rassurante. Selon les projections, la dégradation du solde budgétaire est inéluctable à moyen terme.
Le projet de loi de finances du Gabon pour l’année 2025 prévoit une augmentation des dépenses publiques, bien supérieure à celle des investissements.
Si cette tendance persiste, le pays pourrait se retrouver dans une situation où il devra mobiliser davantage de dette pour financer ses déficits, mettant ainsi en péril la stabilité de ses finances publiques.
Le Gabon, de même que d’autres pays membres de la Cemac, devra trouver des solutions alternatives pour éviter une crise budgétaire totale. Le spécialiste Cédric Jiongo mentionne également que bien que plusieurs réformes aient été entreprises, de nombreux obstacles demeurent pour parvenir à une gestion efficace des finances publiques.
Les réserves de change : une fragilité préoccupante
Outre la question de la dette, la Cemac se trouve également confrontée à un autre défi majeur : la gestion des réserves de change.
Selon les experts économiques de la région, les réserves de change pourraient chuter à trois mois de couverture au lieu des cinq mois recommandés par les normes internationales.
Ce niveau de réserves de change est insuffisant pour garantir la stabilité des banques de la région, et pourrait conduire à une situation de fragilité financière majeure.
Bien que la question de la dévaluation de la monnaie commune, le franc CFA, ne soit pas à l’ordre du jour, il est clair que des mesures drastiques devront être prises pour assurer la pérennité des réserves et éviter une crise monétaire qui affecterait l’ensemble de la région.
Les leaders de la Cemac devront donc s’engager à prendre des décisions concertées pour franchir ce cap périlleux, comme l’indique l’organisation. Cette fragilité des réserves, couplée aux déficits budgétaires croissants, met la région dans une position vulnérable, d’autant plus avec la pandémie de COVID-19 qui a laissé des séquelles économiques durables.
Le sommet comme moment politique pour Paul Biya
Au-delà des considérations économiques, ce sommet revêt également une dimension politique significative. Il marque notamment le retour sur scène du président camerounais Paul Biya, après une longue période de relative discrétion, alimentée par des rumeurs sur son état de santé.
Paul Biya, en tant qu’hôte de ce sommet, pourrait profiter de cette occasion pour réaffirmer son rôle de leader politique dans la région. Depuis son retour au pays le 21 octobre 2024, le président camerounais s’est montré très discret, se limitant à des apparitions publiques sporadiques, souvent dans un cadre très formel, comme lors de quelques audiences avec des diplomates étrangers.
Toutefois, sa présence à ce sommet symbolise une reprise de son rôle dans les affaires de la Cemac. Le président Faustin Archange Touadera, président en exercice de la Cemac, a accepté de céder l’organisation du sommet à son homologue camerounais, en dépit de la République centrafricaine étant le pays en présidence tournante de la Cemac.
Le sommet de Yaoundé pourrait ainsi servir de tribune pour Paul Biya afin de manifester son engagement envers la coopération régionale et de se positionner comme un acteur central du processus de réformes au sein de la Cemac. L’occasion est d’autant plus importante qu’il pourrait également démontrer sa capacité à sortir la région de l’impasse économique actuelle.
Les perspectives d’avenir pour la Cemac : entre réformes et urgences économiques
La situation économique de la Cemac est donc à un tournant décisif. Les chefs d’État devront prendre des engagements forts et concertés pour rétablir la stabilité économique, notamment en matière de gestion de la dette et de réserves de change.
Si ces mesures ne sont pas prises, la région pourrait se retrouver dans une situation de crise durable, affectant non seulement la stabilité des États membres, mais également celle de l’ensemble de l’Afrique centrale.
Ce sommet extraordinaire à Yaoundé représente donc une opportunité unique pour les dirigeants de la Cemac de se mobiliser collectivement face à la crise.
Il est désormais impératif que des décisions courageuses et structurelles soient prises pour éviter une dégradation encore plus grave de la situation économique. Pour Paul Biya, ce sommet pourrait être le moment de réaffirmer son rôle de leader et de réorienter la Cemac vers des politiques économiques plus solides, adaptées aux défis du XXIe siècle.
L’avenir de la Cemac se joue sur ce sommet. Les décisions prises ce lundi pourraient bien être déterminantes pour la stabilité de la région dans les années à venir.
RADIO TANKONNON