Arrestation de Dagaret-Dassaut : tensions croissantes entre le PDCI et le pouvoir ivoirien
L’arrestation d’Ange Romain Dagaret-Dassaut, éminent cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), a provoqué une onde de choc au sein de la classe politique ivoirienne et au-delà. Placé sous contrôle judiciaire le vendredi 29 novembre 2024, l’opposant se trouve désormais au cœur d’une affaire judiciaire qui illustre les tensions récurrentes entre le principal parti d’opposition et le régime en place.

Cette affaire, qui mêle accusations politiques, atteintes présumées à la liberté d’expression et manœuvres judiciaires, soulève de nombreuses interrogations sur l’état de la démocratie et de l’état de droit en Côte d’Ivoire.
Un contrôle judiciaire sous haute surveillance
L’annonce de la mise sous contrôle judiciaire de Dagaret-Dassaut est intervenue à l’issue d’une audition marathon devant la doyenne des juges d’instruction du parquet d’Abidjan. Son avocat, Maître Blessy Chrysostome, a révélé que son client s’est vu confisquer son passeport, une mesure destinée à limiter ses déplacements hors du territoire. L’opposant a également interdiction de s’exprimer publiquement sur l’affaire, un silence imposé qui a suscité l’indignation de nombreux défenseurs des droits humains.
En outre, Dagaret-Dassaut devra se présenter tous les quinze jours devant le juge d’instruction, une obligation qui souligne le caractère sérieux des accusations portées contre lui. Toutefois, les détails précis de ces accusations n’ont pas encore été rendus publics, laissant place à une forte spéculation.
Les faits incriminés : des déclarations explosives
Au cœur de cette affaire se trouvent des propos tenus par Ange Romain Dagaret-Dassaut lors d’une rencontre avec des militants du PDCI-RDA en France. L’opposant aurait accusé le président ivoirien, Alassane Ouattara, d’avoir orchestré le coup d’État de 1999 contre Henri Konan Bédié, alors président de la République et figure tutélaire du PDCI.
Ces déclarations, perçues comme une atteinte grave à la réputation du chef de l’État, ont rapidement déclenché une réponse judiciaire. Si le contexte politique ivoirien est marqué par des rivalités de longue date, cette sortie publique a intensifié les tensions entre le PDCI-RDA, principal parti d’opposition, et le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti au pouvoir.
La réaction du PDCI : indignation et appel à la transparence
Le PDCI-RDA, par la voix de son porte-parole, a exprimé une profonde inquiétude face à ce qu’il qualifie de « tentative d’intimidation politique ». Dans un communiqué publié le jour même de l’arrestation, le parti a appelé à la transparence et à l’équité dans le traitement de cette affaire, tout en insistant sur le respect des droits fondamentaux de Dagaret-Dassaut.
« Nous ne tolérerons pas que la justice soit instrumentalisée à des fins politiques », a déclaré un cadre du parti sous couvert d’anonymat. Le PDCI a également remercié les organisations de la société civile, les personnalités publiques et les citoyens qui ont exprimé leur solidarité avec Dagaret-Dassaut, un soutien qui témoigne de la polarisation croissante de la scène politique ivoirienne.
Un climat politique tendu
L’affaire Dagaret-Dassaut s’inscrit dans un contexte politique particulièrement tendu, marqué par des accusations récurrentes de restriction des libertés civiles et de répression de l’opposition. Les critiques dénoncent une justice perçue comme alignée sur les intérêts du pouvoir, tandis que le gouvernement rejette ces accusations en affirmant son attachement à l’état de droit.
Pour de nombreux observateurs, cette affaire pourrait exacerber les divisions à un moment où la Côte d’Ivoire s’approche d’échéances électorales décisives. « La gestion de cette affaire sera un test pour la crédibilité des institutions ivoiriennes », estime le politologue ivoirien Joseph Koffi.
Le précédent des tensions historiques
L’arrestation de Dagaret-Dassaut ravive des souvenirs d’autres épisodes similaires où des opposants politiques ont été confrontés à des poursuites judiciaires controversées. Ces précédents, combinés à un discours de plus en plus polarisé, laissent présager une montée des tensions dans les mois à venir.
L’ombre du coup d’État de 1999 continue également de planer sur la politique ivoirienne. Bien que les protagonistes de cette époque aient évolué, les accusations et rancunes liées à cet événement alimentent encore les rivalités.
Un appel à la responsabilité
Dans ce climat électrique, des voix appellent au dialogue et à la responsabilité. Des organisations de la société civile ont demandé au gouvernement et à l’opposition de faire preuve de retenue et de privilégier les mécanismes institutionnels pour résoudre leurs différends.
Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) a, pour sa part, exhorté les autorités à garantir un procès équitable et à respecter les droits fondamentaux de Dagaret-Dassaut, soulignant que « la justice ne doit jamais être utilisée comme un outil de règlement des comptes politiques ».
Une affaire à suivre
Alors que Dagaret-Dassaut reste sous contrôle judiciaire, l’opinion publique attend avec impatience les prochains développements de cette affaire. L’impact de cette arrestation sur le paysage politique ivoirien pourrait être profond, influençant non seulement les dynamiques internes du PDCI-RDA, mais aussi les relations entre les différents acteurs politiques du pays.
L’avenir dira si cette affaire marquera un tournant vers une plus grande transparence et équité dans la justice ivoirienne, ou si elle deviendra un exemple supplémentaire des défis que le pays doit relever pour consolider sa démocratie.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon