Le Pr Adama Ouéda appelle à une révolution des données scientifiques au Burkina Faso : un enjeu pour la modélisation et l’anticipation des phénomènes sociétaux

Ouahigouya – Lors d’une rencontre avec les journalistes, organisée dans le cadre d’une caravane de presse par le ministère de l’Enseignement supérieur, le président de l’Université Bernard Lédéa Ouédraogo (Université de Ouahigouya), le Pr Adama Ouéda, a lancé un appel vibrant en faveur d’une meilleure gestion et d’une accessibilité accrue des données issues des recherches scientifiques au Burkina Faso.
Soulignant l’importance de ces données pour la modélisation et la prédiction des phénomènes sociaux, économiques et environnementaux, le Pr Ouéda a exhorté les chercheurs et enseignants-chercheurs à archiver systématiquement leurs résultats et à développer des plateformes partagées.
La modélisation : un outil stratégique pour la société
Dans son intervention, le Pr Ouéda a mis en lumière une approche clé utilisée dans de nombreux domaines scientifiques : la modélisation. Cette méthode, qui repose sur l’analyse de données disponibles, permet de simuler des scénarios futurs en construisant des modèles prédictifs. Ces derniers, utilisés dans des secteurs comme la santé, l’environnement ou encore l’économie, constituent un outil précieux pour la prise de décision et l’élaboration de politiques publiques.
« Dans plusieurs domaines de la recherche, il est possible, à partir des données existantes, d’anticiper ce qui pourrait se produire et de proposer des hypothèses réalistes susceptibles de se concrétiser », a-t-il expliqué. Cependant, il a déploré le manque d’accessibilité des données scientifiques, un obstacle majeur à la mise en œuvre de cette technique au Burkina Faso.
Un déficit culturel dans la gestion des données
L’un des défis pointés par le Pr Ouéda réside dans l’absence d’une culture de l’archivage chez les chercheurs burkinabè. Selon lui, de nombreux résultats de recherche, pourtant riches en enseignements, ne sont pas documentés ni conservés de manière accessible.
« Ces données ne sont généralement pas disponibles, car les chercheurs burkinabè n’ont pas encore la culture d’archiver leurs résultats pour la postérité », a-t-il regretté, soulignant les conséquences de cette lacune sur l’efficacité des travaux de recherche et sur la pertinence des modèles élaborés.
Dans les universités publiques et privées du Burkina Faso, le problème est aggravé par l’insuffisance des dispositifs permettant de conserver les mémoires, thèses et autres productions académiques.
Un appel à la mobilisation collective
Face à cette situation, le Pr Ouéda a lancé un appel à l’ensemble des acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur, les incitant à mettre en place des centres de données scientifiques qui pourraient servir de base pour des études futures.
« Mon appel est que les acteurs de la recherche et les universités se mobilisent pour développer des centres de données pouvant servir à tout moment pour élaborer des modèles et prédire ce qui pourrait se passer », a-t-il déclaré avec insistance.
Ces centres, selon lui, permettraient de centraliser et de sécuriser les résultats des recherches menées au niveau national, tout en les rendant accessibles aux autres chercheurs, institutions et décideurs publics.
Encourager le partage et la collaboration
Le Pr Ouéda a également insisté sur l’importance du partage des données et des expériences dans la communauté scientifique. En favorisant des échanges réguliers entre chercheurs, enseignants-chercheurs et institutions, il estime que le Burkina Faso pourrait renforcer la qualité de ses travaux scientifiques et accroître leur impact sur le développement national.
« La recherche ne peut prospérer sans une dynamique de collaboration et de mutualisation des connaissances. Nous devons dépasser les cloisonnements pour travailler ensemble, dans un esprit de partage », a-t-il martelé.
Vers une révolution numérique dans l’enseignement supérieur
Pour relever ces défis, il est indispensable de moderniser les infrastructures des universités burkinabè. Cela inclut la mise en place de bibliothèques numériques, de plateformes de dépôt en ligne et de bases de données interconnectées.
Cette révolution numérique nécessitera des investissements significatifs, mais aussi une volonté politique forte et une sensibilisation accrue des acteurs du secteur de la recherche.
Un enjeu stratégique pour le Burkina Faso
Le développement d’une culture scientifique basée sur la gestion efficace des données ne représente pas seulement une nécessité pour les chercheurs. Il s’agit d’un enjeu stratégique pour le Burkina Faso, confronté à des défis complexes tels que le changement climatique, les crises sanitaires, et les mutations socio-économiques.
En facilitant l’accès aux données scientifiques, le pays pourrait anticiper les risques, mieux orienter ses politiques publiques, et renforcer sa résilience face aux aléas.
Conclusion : bâtir une recherche durable
L’appel du Pr Adama Ouéda résonne comme un cri du cœur en faveur d’une transformation profonde du paysage scientifique burkinabè. Il invite les chercheurs à regarder au-delà de leurs travaux individuels pour construire un patrimoine commun, au service du progrès collectif.
En développant des centres de données robustes, en encourageant le partage des savoirs, et en modernisant ses infrastructures, le Burkina Faso pourrait se doter des outils nécessaires pour faire de la science un moteur de développement durable.
Les propos du Pr Ouéda ne sont pas seulement une critique, mais aussi une invitation à l’action. La balle est désormais dans le camp des décideurs, des institutions et des chercheurs pour saisir cette opportunité et transformer le potentiel scientifique du pays en un levier concret de progrès.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon