Ouahigouya : Le terrain du Bosquet Président Salif Diallo en proie à un morcellement controversé
Ouahigouya, Burkina Faso – À l’entrée de la ville de Ouahigouya, sur les vingt hectares d’un terrain initialement voué à un ambitieux projet de plantation de gomme arabique, la scène qui se déroule aujourd’hui révèle un litige complexe, où droits fonciers, mémoire collective et enjeux économiques se heurtent. Le quotidien L’Observateur Paalga, dans son édition de jeudi, expose cette situation intrigante qui s’est emparée de ce site autrefois nommé « bosquet président Salif Diallo » en hommage à son fondateur, feu Salifou Diallo.

Un projet ambitieux qui a perdu son élan
En 1996, Salifou Diallo, alors ministre de l’Environnement, lança un programme de plantation de gomme arabique à Ouahigouya, financé par l’Union européenne. Destiné à soutenir l’économie locale et à diversifier les ressources forestières du pays, ce projet se voulait une réponse novatrice dans la lutte contre la pauvreté. L’objectif était d’exploiter les précieuses propriétés de la gomme arabique dans les industries agroalimentaire et pharmaceutique, contribuant ainsi à l’économie nationale par l’exportation vers l’Europe et les États-Unis.
Ce terrain fut confié à une union de groupements dénommée Kogleweogo, devenue par la suite une association. Sous la supervision des groupements locaux, une variété d’acacias fut plantée, formant ainsi une oasis de production. Cependant, en 2004, l’extinction du financement de l’Union européenne porta un coup fatal au projet. Faute de moyens, les producteurs furent dans l’incapacité de poursuivre cette initiative. Les arbres furent laissés à leur propre sort, tandis que les années passèrent et que les bouleversements socio-politiques de la région fragilisèrent davantage cet héritage.
Une Dévastation Progressive et l’Arrivée de Personnes Déplacées Internes
Les arbres, jadis source de revenu et de fierté, se retrouvèrent rapidement exposés aux nécessités de survie des personnes déplacées internes, qui défrichèrent une grande partie de la plantation pour en faire du bois de chauffe. Tandis que l’abandon du projet se traduisait en pertes tant pour l’environnement que pour l’économie locale, les camarades politiques de Salifou Diallo tentèrent, à travers diverses commémorations, de maintenir vivante la mémoire de cette initiative. En plantant des arbres sur le terrain à l’occasion des anniversaires en hommage à leur ancien camarade, ils espéraient susciter un regain d’intérêt pour la plantation.
Dans cette atmosphère de délaissement, l’association Kogleweogo, en manque de financement et de soutien logistique, décida de céder le terrain à la commune de Ouahigouya. Toutefois, la délégation spéciale de la commune constata que l’espace avait été largement envahi par des habitations, laissant seulement sept hectares intacts.
Litige Foncière et Réclamations des « Propriétaires Terriens »
Alors que la commune entreprenait de baliser le terrain pour en régulariser la situation, un groupe de personnes se présenta comme étant les propriétaires légitimes du lieu. Selon ces individus, le terrain avait été gracieusement mis à disposition de Salifou Diallo en tant que ministre, et non de l’association ni de la commune. Ils revendiquèrent hautement leurs droits, affirmant n’avoir jamais cédé la propriété de manière formelle.
Les échanges avec les autorités se multiplièrent, et en août 2024, lesdits propriétaires passèrent à l’acte en divisant le terrain en parcelles prêtes à la vente. D’après L’Observateur Paalga, les quartiers Soumyaga et Souli de Ouahigouya se seraient attribué chacun trois hectares de la propriété, laissant un hectare à la famille de Salifou Diallo. Cette action déclencha un début de construction frénétique sur les parcelles ainsi obtenues, à mesure que les annonces de vente se faisaient entendre à travers la ville.
La Mission d’Intervention et le Bras de Fer entre Parties Prenantes
Alerté par l’ampleur du morcellement, le ministère de l’Urbanisme, accompagné par le ministère de l’Environnement et les autorités locales, entreprit une mission d’intervention sur le site. La mission rencontra les revendicateurs, plaidant pour une suspension immédiate des actions afin de trouver un terrain d’entente. Cependant, ces propositions furent accueillies avec une indifférence manifeste : la construction se poursuivit, et les initiatives de vente, loin de ralentir, s’intensifièrent.
Le morcellement du « bosquet président Salif Diallo » représente aujourd’hui plus qu’une simple question foncière. Il est l’illustration d’une problématique profonde autour de la conservation des patrimoines écologiques et des valeurs associatives dans un contexte où les enjeux de survie immédiate, de droit foncier et d’héritage politique se confrontent. Pour de nombreux observateurs, cette situation complexe invite à une réflexion sur la préservation des initiatives économiques régionales dans le cadre du développement durable et sur la nécessité de mécanismes de gestion des terres qui respectent autant l’histoire locale que les aspirations des populations actuelles.
Quel Futur pour ce terroir précieux ?
Dans cette lutte pour le contrôle du terrain de Ouahigouya, la mémoire de Salifou Diallo et l’ambition initiale d’un projet aux promesses écologiques et économiques risquent de s’éteindre. L’absence de médiation concrète pour réconcilier les parties prenantes, notamment entre la commune, les héritiers politiques de Diallo, et les prétendus propriétaires, ne présage rien de bon. Le cas du bosquet président Salif Diallo met ainsi en lumière les défis auxquels font face les initiatives locales, même les plus louables, lorsqu’elles se heurtent aux complexités du terrain et aux tensions de propriété.
Pour l’heure, les conciliabules se poursuivent, mais la situation reste précaire. Le rêve d’un Burkina Faso où les projets de valorisation environnementale peuvent prospérer durablement semble plus difficile que jamais. Dans cette affaire, comme dans tant d’autres, l’enjeu reste de rétablir la légitimité des terres pour une prospérité commune, au-delà des batailles d’influence et des nécessités immédiates.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon