Mozambique : Entre contestation et appels au dialogue, Daniel Chapo défend sa vision de l’unité nationale
Maputo, Mozambique – Sous un ciel chargé de tensions et d’inquiétudes, le Mozambique s’apprête à entamer un nouveau chapitre politique, marqué par l’élection de Daniel Chapo, candidat du Frelimo, au poste de président de la République. Pourtant, cette victoire, officialisée jeudi 24 octobre, s’accompagne d’une montée de la contestation populaire et de soupçons de fraude électorale. Face à cette situation délicate, Daniel Chapo a pris la parole pour appeler ses concitoyens au calme, dans un discours solennel visant à désamorcer un climat politique devenu explosif.

« Je souhaite être le président de tous les Mozambicains, unis de Rovuma à Maputo. Ensemble, engageons un dialogue ouvert et constructif, » a-t-il déclaré. Exprimant son aspiration à rassembler un pays divisé, Daniel Chapo a souligné l’importance d’une paix durable et d’une coopération collective pour promouvoir le développement et la stabilité nationale.
Des élections sous haute tension
Le scrutin présidentiel du 9 octobre, largement remporté par Daniel Chapo avec 70,67 % des voix, a été l’objet de vives critiques, aussi bien de la part de l’opposition que des observateurs internationaux. Venancio Mondlane, le candidat indépendant ayant rallié 20,32 % des suffrages, ainsi qu’Ossufo Momade de la Renamo, qui s’est classé en troisième position avec 5,81 %, ont dénoncé des irrégularités « massives » et des violences visant à affaiblir l’opposition. Ces accusations trouvent un écho dans les rapports d’observateurs de l’Union européenne, lesquels soulignent des manquements graves dans la gestion des bureaux de vote, des intimidations de la part des forces de sécurité et des pratiques de fraude électorale alléguées.
La vague de contestation ne se limite pas aux discours. Depuis l’annonce des résultats, des manifestations de citoyens, partisans de l’opposition, se multiplient dans plusieurs villes du pays, dénonçant ce qu’ils considèrent comme un « hold-up électoral » orchestré par le Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance du Mozambique en 1975. Le Conseil constitutionnel a ainsi été saisi de plusieurs recours, demandant l’annulation des résultats et l’ouverture d’enquêtes indépendantes pour faire la lumière sur ces pratiques présumées.
Des meurtres de figures de l’opposition enveniment la situation
Ce climat de méfiance est exacerbé par les récentes assassinats d’Elvino Dias et de Paulo Guambe, deux proches de Venancio Mondlane. Bien que les autorités n’aient pas encore ouvert d’enquête, ces disparitions brutales ont suscité un émoi profond dans le pays. La condamnation de ces meurtres par Daniel Chapo n’a pas suffi à apaiser les tensions. Le président élu a réaffirmé l’engagement du Frelimo à la non-violence : « Nous souhaitons réitérer une fois de plus notre rejet des meurtres d’Elvino Dias et de Paulo Guambe, ainsi que des autres citoyens qui ont été physiquement affectés par les manifestations en cours. »
Cependant, ces déclarations sont accueillies avec scepticisme par une partie de la population, qui voit dans ces actes une stratégie d’intimidation envers l’opposition et un moyen de consolider un pouvoir déjà contesté. L’opposition, quant à elle, reproche aux autorités de n’avoir pris aucune mesure concrète pour arrêter les responsables de ces violences, alimentant les craintes de répression et d’impunité.
Daniel Chapo, l’artisan de la paix ou le gardien d’un régime contesté ?
Dans un contexte où chaque camp se retranche derrière ses revendications, Daniel Chapo, successeur de Filipe Nyusi, cherche à endosser le rôle de conciliateur. « Le développement du Mozambique ne passe pas par les manifestations dans les rues, mais par la paix, l’harmonie, la sécurité et la coopération », a-t-il martelé. Cet appel au dialogue et à la retenue s’inscrit dans une tentative de reconquérir une opinion publique déçue par un scrutin controversé, et d’éviter l’escalade vers des violences civiles.
La tâche s’annonce cependant ardue pour le nouveau président, qui devra composer avec une opposition mobilisée, déterminée à ne pas se laisser museler. Le soutien indéfectible du Frelimo, dont Daniel Chapo est le représentant, pourrait se transformer en une contrainte, dans la mesure où le parti historique semble peu enclin à des concessions susceptibles de compromettre sa suprématie. Ce paradoxe pourrait miner la légitimité du dialogue proposé et renforcer la polarisation de la société mozambicaine.
Entre espoir et défi, le Mozambique à la croisée des chemin
Le Mozambique, riche en ressources naturelles mais marqué par des décennies de tensions politiques et de conflits armés, se trouve à un carrefour décisif. La voie choisie par Daniel Chapo sera déterminante pour l’avenir du pays. Si le président élu parvient à engager un dialogue sincère et à poser les bases d’un rétablissement de la confiance, il pourrait espérer pacifier une société déchirée par des rancœurs anciennes. Dans le cas contraire, l’autoritarisme latent risque de fragiliser davantage les institutions démocratiques et d’ouvrir la voie à une contestation accrue, voire à un renouveau de la violence.
À l’heure où les Mozambicains attendent des réponses concrètes et des gestes de réconciliation, l’horizon politique reste incertain. Chapo, chef d’État à la fois promoteur du dialogue et garant d’un régime aux méthodes controversées, sera sans doute jugé non sur ses promesses, mais sur sa capacité à réconcilier un pays en proie aux divisions. Le défi est immense, et les premiers mois de ce mandat pourraient bien révéler si l’appel à l’unité de Daniel Chapo trouvera écho ou sombrera dans l’oubli, emporté par les vents d’une contestation qui ne faiblit pas.
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