Thomas Sankara, l’Étoile Inextinguible de la Révolution Burkinabè : Trente-sept ans après son assassinat, une flamme qui continue de brûler en Afrique et au-delà
Le 15 octobre 2024, marque le 37ème anniversaire de l’assassinat du capitaine Thomas Sankara, figure emblématique de la révolution burkinabè, dont l’héritage politique, idéologique et moral demeure vivace au Burkina Faso, à travers l’Afrique et bien au-delà. Pour la jeunesse burkinabè, les mouvements panafricanistes et les défenseurs de la justice sociale à travers le monde, Sankara continue de représenter un phare, une source d’inspiration intarissable. Son nom résonne encore dans les rues de Ouagadougou, dans les amphithéâtres universitaires d’Afrique, et dans les cercles militants du monde entier, avec une force qui transcende le temps et les générations.

Chaque année, le 15 octobre, une cérémonie de dépôt de gerbes est organisée en son honneur, au lieu même où il fut assassiné avec douze de ses compagnons d’armes. Ce rituel commémoratif, loin d’être une simple formalité, symbolise l’engagement indéfectible de plusieurs générations à maintenir vivante la mémoire d’un homme dont le parcours, bien que tragiquement interrompu, continue d’incarner une alternative politique et sociale pour de nombreux Africains. À l’heure où le continent africain fait face à des défis multiples — pauvreté, néocolonialisme, injustices sociales et environnementales —, les idées de Thomas Sankara restent d’une actualité brûlante.
Thomas Sankara, l’Homme et la Vision
Né le 21 décembre 1949 à Yako, dans la région du Nord du Burkina Faso, alors Haute-Volta, Thomas Isidore Noël Sankara était destiné à marquer de son empreinte indélébile l’histoire de son pays et celle du continent africain. Jeune militaire brillant, il se démarque par une vive intelligence, une passion pour l’émancipation des peuples et un refus viscéral de l’injustice. Mais ce n’est véritablement qu’à la faveur de sa prise de pouvoir, le 4 août 1983, qu’il devient le visage de la Révolution démocratique et populaire au Burkina Faso, instaurant un régime profondément novateur dans un contexte mondial marqué par la Guerre froide et la montée des mouvements de décolonisation.
Anti-impérialiste farouche, panafricaniste convaincu et défenseur des droits des opprimés, Thomas Sankara prône une refondation radicale du système économique, social et politique au Burkina Faso. Son projet révolutionnaire vise à rompre avec les structures néocoloniales et à bâtir un État souverain, centré sur les besoins du peuple. Dès le début de son mandat, il rebaptise la Haute-Volta en Burkina Faso, « le pays des hommes intègres », un nom qui incarne l’essence même de son engagement : la dignité, l’intégrité et l’autosuffisance. Sous son leadership, il appelle les Burkinabè à « oser inventer l’avenir », réaffirmant l’idée que les peuples africains peuvent forger leur propre destin sans être soumis à des tutelles étrangères.
L’une des phrases les plus célèbres de Sankara, prononcée lors d’un discours historique, résume l’étendue de son ambition pour le continent : « L’impérialisme est un système de domination, d’exploitation, d’humiliation et de répression. Nous ne pouvons le combattre efficacement qu’en prenant nos responsabilités en tant qu’Africains ». Par ce discours, il exhortait l’Afrique à se libérer des chaînes économiques et politiques imposées par les anciennes puissances coloniales et les institutions financières internationales, qu’il qualifiait de « maîtres esclavagistes modernes ».
Une gouvernance inspirée et révolutionnaire
En l’espace de quatre courtes années, Sankara a transformé le Burkina Faso en laboratoire d’idées révolutionnaires, avec des réformes audacieuses et radicales dans presque tous les domaines de la vie nationale. Il amorce une série de programmes sociaux qui marqueront durablement l’histoire du pays. Parmi ses réalisations les plus notables, on peut citer :
L’émancipation des femmes : Sankara a été l’un des premiers dirigeants africains à placer la question de la condition féminine au cœur de son programme politique. Pour lui, l’émancipation des femmes était indissociable de la libération nationale. Il interdit les mutilations génitales féminines, la polygamie et initie des politiques de promotion des femmes dans l’administration et les secteurs clés de la vie publique. Il prononce un discours mémorable où il affirme que « la révolution et la libération de la femme vont de pair. »
La réforme agraire et la lutte pour l’autosuffisance alimentaire : En pleine région sahélienne, où les sécheresses sont fréquentes et la désertification galopante, Sankara lance une campagne ambitieuse pour l’autosuffisance alimentaire. En incitant à la production locale et en limitant les importations inutiles, il parvient à faire du Burkina Faso l’un des rares pays d’Afrique à atteindre cet objectif en quelques années seulement. Son slogan « consommons ce que nous produisons » traduit cette vision d’une souveraineté alimentaire.
La santé et l’éducation pour tous : Sankara mène également une véritable révolution sanitaire, éradiquant des maladies comme la méningite et la polio par des campagnes de vaccination massive. Il met l’accent sur l’éducation populaire et la scolarisation des enfants, avec la construction d’écoles en masse à travers tout le pays, affirmant que « l’esclavage le plus odieux est l’ignorance ».
La lutte contre la corruption : Véritable modèle d’intégrité, il renonce à tous les privilèges matériels liés à sa fonction, vivant modestement, et impose des mesures strictes pour lutter contre la corruption endémique. Sous son régime, l’austérité est appliquée aux plus hauts niveaux de l’État, et les ressources sont dirigées vers des projets d’infrastructure et de développement communautaire.
Un Martyre de la Révolution et de l’indépendance africaine
Le 15 octobre 1987, la trajectoire de ce leader charismatique est brutalement interrompue. Thomas Sankara est assassiné lors d’un coup d’État orchestré par son ancien compagnon d’armes, Blaise Compaoré, avec la complicité d’intérêts étrangers qui voyaient d’un mauvais œil ses politiques radicales et anti-impérialistes. Cet assassinat a plongé le Burkina Faso dans une période d’instabilité et de retour à un ordre plus conforme aux attentes des puissances occidentales.
Cependant, si la mort de Sankara a physiquement mis un terme à son action politique, elle n’a en rien affaibli la portée de son héritage. Au contraire, son assassinat en a fait un martyr, une figure symbolique de la lutte pour la liberté, la justice et l’indépendance de l’Afrique. Son discours contre le néocolonialisme et l’impérialisme, ses politiques de développement autocentré et son engagement pour la dignité humaine continuent d’inspirer des générations de jeunes Africains, qui voient en lui un modèle de leadership authentique, dévoué à l’intérêt général.
Aujourd’hui, trente-sept ans après son assassinat, Sankara est plus qu’une figure historique : il est devenu un mythe, un modèle de gouvernance révolutionnaire et de courage politique. Sa pensée continue de résonner dans les mouvements sociaux, les revendications de justice et d’équité, et les luttes pour une Afrique plus juste et plus autonome.
L’Héritage de Sankara, 37 ans après : Une Inspiration Contemporaine
En 2024, l’héritage de Sankara transcende les frontières du Burkina Faso. Son discours sur l’unité africaine, l’émancipation des peuples et la souveraineté économique continue de trouver un écho chez les activistes, les intellectuels et les leaders politiques à travers le continent. De nombreux mouvements panafricanistes, écologistes, féministes et altermondialistes revendiquent son héritage et se battent pour mettre en œuvre ses idées dans leurs contextes respectifs.
Dans un monde où les inégalités sociales et économiques s’aggravent, où les crises environnementales menacent l’avenir de la planète, les idées de Thomas Sankara sur l’autosuffisance, la justice sociale et la solidarité internationale apparaissent plus pertinentes que jamais. Ses appels à la simplicité volontaire, à la protection de l’environnement et à la défense des opprimés restent d’une actualité éclatante dans un contexte mondial de crise climatique et de remise en cause des modèles de développement extractivistes.
Sankara nous laisse un message puissant : la révolution n’est pas seulement une prise de pouvoir, mais un changement profond de paradigmes. C’est un engagement pour la dignité humaine, l’équité, et la justice sociale, qui doit se traduire par des actions concrètes et une intégrité sans faille. Pour la jeunesse africaine en quête de leaders authentiques, Sankara incarne cette promesse non réalisée d’un avenir libéré des chaînes de la domination étrangère et des élites corrompues.
Que la flamme de Sankara continue d’éclairer la voie vers un avenir plus juste et plus digne pour l’Afrique et pour le monde entier.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon