Patrice Motsepe et la surcharge des matches de football : Un avertissement pour l’avenir du sport
Alors que le calendrier international du football s’alourdit à un rythme effréné, la Confédération africaine de football (CAF) tire la sonnette d’alarme. Son président, Patrice Motsepe, a exprimé, lors d’une récente interview accordée à la BBC, son inquiétude face aux conséquences de l’intensification des compétitions pour les joueurs de haut niveau. Une prise de position qui fait écho aux critiques émises par plusieurs acteurs influents du monde footballistique ces dernières semaines.

Le milieu de terrain de Manchester City et international espagnol, Rodri, est allé jusqu’à envisager une possible grève des joueurs, soulignant l’excès de matches et le manque de répit pour les footballeurs. Cette situation est exacerbée par des événements majeurs tels que la Coupe du Monde des Clubs, qui en 2025, sous l’égide de la FIFA, s’étendra sur un mois avec sept matches nécessaires pour décrocher la victoire, contre seulement deux auparavant pour les grandes équipes.
Un rythme effréné préjudiciable pour la santé des joueurs
Patrice Motsepe n’a pas mâché ses mots. « Nous ne voulons pas qu’ils jouent plus qu’ils ne le devraient – ce n’est pas bon pour le football, ni pour le succès à long terme du sport », a-t-il martelé. Ses préoccupations ne sont pas isolées : elles s’inscrivent dans un débat plus large sur l’usure physique et mentale des joueurs, déjà accablés par un calendrier surchargé. Loin de s’en tenir aux seuls résultats sportifs, le président de la CAF a insisté sur la nécessité de préserver la santé et la forme physique des athlètes.
« L’engagement de toutes les parties prenantes porte sur la santé et la condition des joueurs, et la fréquence à laquelle ils doivent être sur le terrain est importante pour nous », a-t-il ajouté, soulignant la nécessité de concilier les exigences commerciales des compétitions avec le bien-être des sportifs.
Les joueurs du club sud-africain Mamelodi Sundowns, propriété de Motsepe, en sont un exemple frappant. Si l’Afrique du Sud parvient à se qualifier pour les prochaines Coupes du Monde et d’Afrique des Nations (CAN), ces joueurs, dont dix faisaient partie de l’équipe qui a décroché la troisième place à la CAN 2023, ne connaîtront pas de trêve avant la mi-2027. Avec la Coupe du Monde des Clubs en juin-juillet 2025, suivie d’une nouvelle édition de la CAN entre décembre 2025 et janvier 2026, puis de la Coupe du Monde en juin-juillet 2026, leur calendrier sera surchargé.
Une pression croissante en Europe et des appels au dialogue
Le problème n’est pas limité au continent africain. En Europe, où la Ligue des Champions a désormais intégré deux matches supplémentaires, des voix s’élèvent également pour réclamer une gestion plus humaine des calendriers. L’entraîneur du Real Madrid, Carlo Ancelotti, a publiquement évoqué la possibilité de vacances de mi-saison pour ses joueurs, tandis que le gardien de Liverpool, Alisson, coéquipier de l’Égyptien Mohamed Salah, a exprimé son exaspération face à l’accroissement incessant du nombre de matches.
Pour Motsepe, la solution réside dans une approche équilibrée et concertée. « Il faut continuer à parler, à s’engager mais aussi à écouter », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’un dialogue permanent entre les différents acteurs du monde footballistique. « Des solutions seront trouvées dans l’intérêt de toutes les parties », a-t-il ajouté, ouvrant ainsi la porte à de futures discussions pour réévaluer la charge de travail imposée aux joueurs.
Un partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite : un enjeu financier pour la CAF
Si la question des calendriers saturés est brûlante, Motsepe a également profité de son déplacement à Londres pour sceller un accord financier d’envergure avec l’Arabie saoudite, concernant l’organisation de la Super Coupe d’Afrique. Le match de prestige opposant les deux géants égyptiens Al Ahly, vainqueur de la Ligue des Champions, et Zamalek, champion de la Coupe de la Confédération, se jouera à Riyad le 27 septembre 2024.
Le derby du Caire, considéré comme l’une des plus grandes rivalités du football africain, a suscité un engouement immédiat. « Les billets se sont vendus à guichets fermés en moins d’une heure », a souligné la CAF. Cette rencontre, suivie par des millions de fans à travers le Moyen-Orient, marque une nouvelle ère dans les relations entre la CAF et l’Arabie saoudite, un pays qui multiplie les investissements dans le sport dans une stratégie de « soft power » visant à améliorer sa réputation internationale.
Pour Patrice Motsepe, cette collaboration est une aubaine. « Le football africain a besoin de ressources financières et l’essentiel est que ces ressources servent à ce qu’elles sont censées servir », a-t-il souligné. La CAF, qui avait accumulé des dettes oscillant entre 40 et 50 millions de dollars lorsque Motsepe a pris les rênes de l’organisation en 2021, a réduit son déficit à moins de 10 millions grâce à l’augmentation des sponsors de la Coupe des Nations et des droits de télévision, ainsi qu’à l’afflux d’investissements saoudiens.
Transparence et crédibilité : les priorités éthiques de Motsepe à la tête de la CAF
En dépit de ces avancées financières, Patrice Motsepe est parfaitement conscient des défis que pose la gestion de l’image et de la crédibilité de la CAF. Son prédécesseur, le Malgache Ahmad Ahmad, a été écarté de la présidence en raison d’accusations de malversations financières, laissant une ombre sur la gouvernance de l’institution.
Motsepe, quant à lui, s’efforce de faire preuve d’une transparence exemplaire. Une enquête est actuellement en cours sur de potentielles fautes du secrétaire général de la CAF, Veron Mosengo-Omba, qui continue de nier toute malversation. Motsepe a insisté sur la nécessité d’une enquête « indépendante, éthique et crédible », supervisée par l’une des entités les plus respectées au niveau mondial. « L’essentiel est de permettre aux enquêteurs de faire leur travail. Nous devons être en mesure de continuer à gagner la crédibilité et le respect de toutes les parties prenantes », a-t-il déclaré.
La renaissance du football est-africain : le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda en pole position
Le week-end dernier, Motsepe s’est rendu au Kenya pour inspecter les installations sportives en vue de la co-organisation du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) en 2027, avec la Tanzanie et l’Ouganda. Ce tournoi, qui met en lumière les talents évoluant dans les ligues nationales africaines, est une vitrine pour ces trois nations d’Afrique de l’Est, qui n’ont pas accueilli une telle compétition depuis plus de quatre décennies.
Bien que le Kenya ne dispose actuellement d’aucun stade aux normes internationales pour accueillir des matches de cette envergure, Motsepe se dit confiant. « Je fais confiance au président [kenyan] William Ruto, au président de la Tanzanie et au président de l’Ouganda », a-t-il affirmé, tout en précisant qu’il reviendra en décembre pour évaluer l’état d’avancement des rénovations promises.
Le Kenya s’attelle à la modernisation de deux grands stades : le Moi International Sports Centre (60 000 places) et le Nyayo Stadium (15 000 places), tandis qu’un tout nouveau complexe sportif, le Talanta Sports City Stadium (60 000 places), est en construction pour l’édition 2027 de la Coupe d’Afrique des Nations.
Un football africain en pleine mutation
Entre la surcharge des calendriers, les défis éthiques et les collaborations financières internationales, Patrice Motsepe se positionne comme un réformateur déterminé à assurer l’avenir du football africain. Sa vision est claire : préserver la santé des joueurs, garantir la transparence de la gouvernance et doter la CAF des ressources nécessaires pour atteindre son autonomie financière. Si les défis sont nombreux, les progrès réalisés sous son mandat laissent entrevoir un futur prometteur pour le football africain, sur et en dehors du terrain.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon