Au cœur de la récente édition du Marché des Arts du Spectacle Africain (MASA), un événement d’une intensité rare a captivé l’attention et l’émotion de milliers de spectateurs : le spectacle « Adepte de mon être », présenté par la compagnie Fientan de l’Association Art au-delà du handicap (ADH). Composée de jeunes danseurs sourds et muets, cette troupe a transcendé les frontières de la perception traditionnelle de l’art, offrant une performance d’une puissance saisissante.

Dans la somptueuse salle Kodjo Ebouclé, imprégnée d’une lueur jaunâtre comme pour symboliser l’éclat d’un soleil intérieur, s’est déployé un univers où la singularité devient force. Sous les panneaux lumineux projetant la question interpellatrice « À qui la faute ? », les membres de la compagnie ont esquissé une danse poignante, révélant en chaque mouvement la quintessence de leurs parcours marqués par l’adversité, dans un monde parfois aveugle à leur richesse intérieure.

L’inauguration de cette fresque émotionnelle s’est avérée aussi spectaculaire que révélatrice : sur les têtes des danseurs, des cartons exhibaient des images décrivant les nuances complexes des émotions humaines, de la tristesse à l’espoir. Le son vibrant du Djembé résonnait, remplissant l’espace d’une énergie contagieuse. Et alors que la musique pulsait dans les cœurs, les danseurs, privés du don de l’ouïe, exécutaient des mouvements d’une précision et d’une vivacité stupéfiantes, s’accordant harmonieusement avec chaque note. Quelle alchimie magistrale !

Cette synchronisation quasi surnaturelle a été rendue possible grâce au génie novateur de leur chorégraphe émérite, Yaya Sanou, et son système révolutionnaire baptisé « vibracing ». Cette méthode, véritable tour de force artistique, marie la langue des signes, la musicalité, l’écoute sensorielle, le toucher, le regard et le rapport au sol, permettant aux danseurs de suivre le rythme de leur propre pulsation intérieure. Ainsi transcendés par leur handicap, ils ont subjugué l’auditoire, illuminant de leur éclat la salle bondée de spectateurs médusés.

Yaya Sanou, visionnaire directeur artistique de la compagnie, incarne l’essence même de cette quête artistique. « La Compagnie Fientan dépasse de loin le simple statut de groupe de jeunes handicapés. Ils sont les architectes de leur destin artistique, déterminés à prouver qu’ils ont toute leur place dans l’univers de l’art », proclame-t-il avec une conviction palpable. Une reconnaissance bien méritée est venue couronner leur talent, avec l’obtention de la médaille d’or aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa, un honneur témoignant de leur génie créatif.

« Adepte de mon être » transcende le simple cadre d’un spectacle pour devenir un voyage initiatique, une odyssée émotionnelle à travers les méandres de la vie de ces jeunes artistes. C’est un plaidoyer vibrant pour leur pleine reconnaissance au sein d’une société trop souvent encline à les marginaliser. Leur aspiration à une intégration totale dans le monde de l’art résonne comme un appel universel à l’inclusion, une invitation à tous à croire en la puissance transformante de l’expression artistique.

Durant les cinquante minutes de cette performance envoûtante, les émotions affleurent, jaillissant telles des vagues déferlantes, reflétant les combats et les triomphes de ces jeunes dans une mer mouvementée d’adversité. Colère, tristesse, rejet, mais aussi espoir et résilience se mêlent dans une symphonie de mouvements gracieux, dénonçant avec vigueur les injustices subies. La scène, imprégnée de leur présence charismatique, devient le théâtre vibrant d’une révolution silencieuse.

Le message universel véhiculé par cette danse transcende les barrières de la langue et de la culture, résonnant comme un appel vibrant à la compassion et à l’inclusion. Il est grand temps que la société accorde à ces êtres d’exception une place légitime dans tous les domaines. Le triomphe retentissant qu’ils ont connu devant une salle comble constitue une victoire éclatante, un témoignage poignant de la puissance de l’art à transcender les limites, à élever les âmes et à briser les préjugés.

Pour Yaya Sanou, c’est un moment d’une portée historique : « Participer à cet événement est une opportunité extraordinaire. Nous avons lutté pendant si longtemps pour faire entendre notre voix, et enfin, le monde nous écoute ». Dans la lumière aveuglante de leur succès, la Compagnie Fientan écrit une nouvelle page de l’histoire de l’art, une page empreinte de courage, de détermination et de grâce, offrant à chacun une leçon d’humanité et d’espoir.

Saidicus Leberger

Pour Radio Tankonnon